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Yzabel-Desage-critiques-et-points-de-vue-de-lectures.over-blog.com

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Ce blog a pour but de partager mes critiques, avis et points de vue de lectures : romans contemporains et classiques, autobiographies et faits divers, théâtre, poésie, essais psychanalytiques, sociologiques, éducatifs, romans graphiques et BD, littérature jeunesse.


Ariane, Myriam Leroy, 2018

Publié par Isabelle Desage sur 4 Septembre 2018, 18:23pm

Catégories : #Roman contemporain, #littérature belge

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Ariane, Myriam Leroy, 2018

   

      Ariane est un roman qui a reçu de belles critiques, même si le lecteur peut parfois avoir l’impression de revoir une leçon maladroite d’écriture et d’être confronté à l’histoire de deux adolescentes ne concernant finalement que l’auteur (ou la narratrice), comme si elle avait reproduit formellement les univers clos qu’elle décrit. Ce qu’il me semble manquer à ce roman, c’est une réflexion plus universelle que celle qui nous est offerte. A plusieurs reprises dans le récit, la narratrice/auteur se demande si écrire peut aider à dépasser certains traumatismes ; j’aurais aimé qu’elle nous offre une réponse ou une piste plus apparente, à l’instar des récits d’Annie Ernaux, de Delphine de Vigan ou du roman autobiographique d’Isabelle Carré, Les Rêveurs. Ce roman est principalement constitué de récits d’actions mettant en scène les différents événements relatés constitués de discours dialogués, d'extraits reproduits de lettres ou de journaux intimes, en langage adolescent : "Lettre manuscrite. Date inconnue. Papier à lettres. / Hé pétasse, pourquoi t'appelles pas ? Ici, je passe mon temps à côté du téléphone. Hé bitchy bitch, devine ce que j'ai vu aujourd'hui ? […]".                                                                          Malgré tout, ce livre retient l’attention parce qu’il dépeint un paysage de la vie adolescente dans son mal-être, sa confrontation et sa représentation des autres et aussi, dans sa mise en garde contre les relations toxiques, les faux amis qui s’accrochent à ceux qui ont trop besoin d’être aimés tout en montrant que le « jeu » se joue à deux. Enfin, ce roman est aussi une étude sociale ou deux milieux se croisent, s’interpellent, sans jamais tout à fait se rencontrer ; je fais à ce sujet, un très libre rapprochement avec l’essai Voyage de classe, de Nicolas Jounin, professeur et sociologue : http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Voyage_de_classes-9782707183217.html

          Ce récit est celui de la rencontre entre deux adolescentes que tout oppose : le milieu social, le physique, la relation au monde. Ces deux jeunes filles, solitaires vont s’attacher passionnément, l’une à l’autre jusqu’au jour où Ariane va rejeter la narratrice pour nouer une nouvelle amitié. Ce roman met au jour la fracture sociale entre deux univers : celui petit-bourgeois de la narratrice qui dépeint des parents étriqués et envieux et celui très guindé de son amie, Ariane, qui possède une piscine privée et un terrain de tennis et est invitée dans des rallyes.                                                                                                                                           Ce roman fait ressortir une image d’une adolescence désenchantée, sans joie de vivre où plusieurs personnages du roman, et principalement la narratrice et Ariane, se réfugient dans l’alcool, les médicaments, la drogue, jusqu’à en mourir ; mourir de dégoût de soi, des autres, mourir d’ennui dans le petit monde de Nivelle et de Louvain-la-Neuve.

          Le grand intérêt de ce livre réside dans sa réflexion omniprésente sur l’aspect social des riches qui commence par leur physique, leur place dans la société et l’univers clos, imperméable, qu’ils se sont créés ou réservés à travers différentes pratiques (rallyes, sports), différents lieux (habitations, écoles, restaurants…), différents emplois (métiers du spectacle, chef d’entreprise) qui demandent aux non initiés, aux « roturiers » beaucoup d’argent et/ou une solide cooptation.

 

Extrait 1 : « Comme Ariane, beaucoup d’élèves de l’école participaient à des groupes d’activités. Pas moi, et j’en crevais. Ma candidature était irrecevable, je ne postulais même pas. Les rallyes (qui n’avaient d’itinérant que le nom, s’agissant de mondanités aristos) ne me conviaient pas à leurs sauteries car je n’avais aucun des sésames requis : un nom à rallonge, un aïeul capitaine d’industrie…

Tant de cénacles dont je soupçonnais les membres d’être exceptionnels au point de devoir se soustraire au regard de la plèbe pour accomplir des activités de nature demi-divines. Je rêvais d’en être, et ma rancune envers ma famille enflait à chaque événement dont j’étais privée à cause de mes roturières origines. J’ai plus ou moins compris en grandissant qu’il n’y avait là-bas pas plus de héros qu’ailleurs, mais j’ai conservé le complexe du wedding crasher, celui dont le nom n’apparaît jamais sur la guest list et dont l’incongruité de la présence est détectée par l’assemblée de personne à qui le portier prétend que la soirée est réservée aux habitués quand elle n’en est pourtant pas à sa première édition.

A quoi ça tient, avoir l’air riche ? A la santé de la peau, des dents, des cheveux ? […] Le rang se devine-t-il aux coupes et aux matières des vêtements ? Même aujourd’hui, quand je me pimpe, quand je parade en grandes marques, quand je me prends pour une dame du monde, j’ai plutôt l’air travestie en poulette de footballeur. Je devrais rester en jean et en pull, mains dans les poches, à la place de m’amidonner comme une femme de chambre… C’est sûrement à cela qu’on reconnaît un plouc, à son manque de désinvolture. »

Extrait n° 2 : « J’en étais sûre. Notre binôme était surnaturel. Nous étions plus que la somme de nos parties, nous étions cette complétude en tous points soudée dont naissaient les rayons lasers et les pouvoirs magiques. Nous imaginions avoir en poche deux médaillons orphelins, le croissant de lune et le soleil qui, s’emboîtant, devenaient la clef des Mystérieuses Cités d’or. […]

Nous considérions le monde en termes de clans, en termes de « eux » et de « nous ». Plus nous suscitions l’exécration des autres, plus nous jouissions de notre point de vue sur notre environnement, isolé et central […].

J’aurais peut-être dû être alarmée par l’épisode qui suit mais, à quatorze ans, je fus surtout sciée par la rock’n’roll attitude de ma meilleure amie, capable de s’infliger par amour pour moi des sévices aux conséquences vivaces. ».

Au téléphone, Ariane suggéra que nous nous mutilions. Elle estimait que ce serait une preuve de l’extrémité à laquelle nous portaient nos sentiments. »

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