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Yzabel-Desage-critiques-et-points-de-vue-de-lectures.over-blog.com

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Ce blog a pour but de partager mes critiques, avis et points de vue de lectures : romans contemporains et classiques, autobiographies et faits divers, théâtre, poésie, essais psychanalytiques, sociologiques, éducatifs, romans graphiques et BD, littérature jeunesse.


Photo de groupe au bord du fleuve, Emmanuel Dongala, 2010

Publié par Isabelle Desage sur 19 Juin 2019, 15:43pm

Catégories : #Littérature, #Roman contemporain, #Romain africain

Photo de groupe au bord du fleuve, Emmanuel Dongala, 2010

          Roman humaniste et social, Photo de groupe au bord du fleuve offre aux lecteurs la vision d'une Afrique, loin des clichés bon enfant, constituée de pays enchanteurs où les gens sont tous gentils, accueillants, non racistes et où les importantes traditions ne sont qu'un bienfait pour tous, chacun s'occupant soigneusement de son prochain. Dans son roman, Emmanuel Dongala met au jour les rapports de pouvoir d'une Afrique contemporaine dénuée de tout exotisme et ce, dans son intense brutalité, à travers la révolte d'un groupe de femmes réclamant un meilleur salaire qui rétribuerait plus justement un travail misérable et harassant, celui de casseur de pierre au bord d'un fleuve. Ce récit polyphonique donne à entendre la voix du narrateur mais aussi celles de toutes les femmes du récit s'entremêlant avec des extraits d'actualités radiophoniques ou journalistiques qui font l'état de différents pays africains :
- « Encore une fois, le pouvoir autocratique et antidémocratique a frappé. Cette fois-ci ce sont des pauvres femmes innocentes, nos mères et nos soeurs, qui ont été tabassées et torturées sauvagement sur leur lieu de travail et dans les geôles du pouvoir alors qu'elles voulaient tout simplement négocier le prix de vente du produit de leur travail jusque-là acheté à vil prix par des entrepreneurs voraces, la plupart d'entre eux étant d'ailleurs des parents des hommes au pouvoir. [...] » 
- « En Papouasie-Nouvelle-Guinée, une jeune femme papoue a été brûlée vive mardi par les habitants d'un village de la région de Mount Hagen qui la soupçonnaient de sorcellerie après la mort de plusieurs personnes atteintes du VIH/sida ».
          Ne cherchant rien d'autre que l'augmentation de leur salaire, ces femmes se retrouvent aux prises avec la politique du pays teintée de corruption quotidienne et à tous les niveaux de la société, la violence de la répression et le non-dit, la condition misérable des femmes et les traditions absurdes et meurtrières servant l'intérêt des hommes. Cette vision de l'Afrique par un auteur Africain montre aux lecteurs le bien triste univers de la population soumise aux diktats d'une politique de façade, les dirigeants n'étant présents que pour profiter de la solidarité mondiale en faisant croire aux pays donateurs que le monde africain évolue alors qu'en réalité, la tradition prime sur les lois et notamment, en ce qui concerne la vie des femmes. La richesse et la mauvaise foi des dirigeants, leurs palais, les buffets bien garnis contrastent avec la misère de la population qui n'a pas de quoi se payer des médicaments, des frais hospitaliers ou tout simplement, une sépulture. En Afrique, tout se monnaye, même le drap que l'on pose, à l'hôpital, sur un mort. La crasse, la puanteur, la pourriture, omniprésentes dans ce récit et alliées à la propagation du sida non soigné montrent que l'Afrique traditionnelle et religieuse sert la cause de dirigeants corrompus qui profitent de cette situation.
          Mais l'auteur donne aussi à voir un formidable groupe de femmes qui se détache de ce cloaque ; elles apparaissent tel un soleil et comprennent qu'en s'unissant, malgré leurs différences, elles pourront se protéger de la violence des hommes, de celle de familles voleuses et voraces et bien sûr, des membres du gouvernement qui vont s'intéresser de très près à leur revendication. Si ces femmes n'obtiennent pas tout ce qu'elles souhaitent, elles ont compris que c'est en s'unissant qu'elles pourront lutter et gagner leur indépendance.
          Avec ce roman, Emmanuel Dongala porte un coup terrible au pouvoir des hommes en Afrique. Il dénonce les violences sexuelles, l'hypocrisie religieuse, la tyrannie du mariage, la culture du viol. Parfois, ce roman s'apparenterait à un roman de Zola mais dans un rapport à la langue moins didactique ou idéaliste. Emmanuel Dongala est un romancier important de langue française. Né au Congo d'une mère centrafricaine, il a dû s'exiler aux Etats-Unis tandis que la guerre civile ravageait son pays.

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