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Yzabel-Desage-critiques-et-points-de-vue-de-lectures.over-blog.com

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Ce blog a pour but de partager mes critiques, avis et points de vue de lectures : romans contemporains et classiques, autobiographies et faits divers, théâtre, poésie, essais psychanalytiques, sociologiques, éducatifs, romans graphiques et BD, littérature jeunesse.


L’Enfant rieur, 2011 et Chemin sous la neige, 2013, Henry Bauchau, éditions Acte Sud, Babel.

Publié par Isabelle Desage sur 26 Décembre 2022, 15:58pm

Catégories : #Babelio, #belgique, #Henrybauchau, #Acte Sud, #guerre, #autobiographie, #vieillesse, #mythologie, #psychanalyse

L’Enfant rieur, 2011 et Chemin sous la neige, 2013, Henry Bauchau, éditions Acte Sud, Babel.
L’Enfant rieur, 2011 et Chemin sous la neige, 2013, Henry Bauchau, éditions Acte Sud, Babel.

L’Enfant rieur et Chemin sous la neige constituent les deux tomes d’un récit autobiographique à travers lesquels Henry Bauchau révèle au grand public son histoire et celle de sa famille, entre 1916 et le début des années 60. L’auteur rappelle objectivement son éducation bourgeoise et catholique ainsi que le rôle qu’il a tenu durant la seconde guerre mondiale. On retrouve dans ces deux récits une série de portraits, notamment celui de son frère aîné Olivier et de son père, mais aussi de personnes chères rencontrées durant la guerre.

Ces deux récits ont été dictés par l’auteur quelques temps avant sa mort et mettent au jour des vérités sur une Belgique divisée dès la première guerre mondiale. Henry Bauchau, accusé à tort d’avoir collaboré avec l’ennemi durant la seconde guerre mondiale a été jugé en 1946 par un tribunal constitué de militaires de retour des camps de prisonniers en Allemagne n’ayant pas eu connaissance de la vie en Belgique sous l’occupation. Ainsi, ce jugement expéditif a requalifié en quelques instants la bonne conduite d’Henry Bauchau sans le laisser exposer ses raisons ni les circonstances et les buts de toute son action durant les premières années de guerre ainsi que son activité dans la Résistance. C’est pourquoi l’éditeur des deux volumes rappelle dans sa préface combien l’impossibilité de dire fut sans doute « une des pires blessures » de l’existence  d’Henry Bauchau.

D’abord avocat à la suite de ses études, Henry Bauchau devient officier réserviste avant d’être mobilisé pour participer en 1940 à la campagne des dix-huit jours précédant l’occupation de la Belgique par l’Allemagne puis sa capitulation. Pour répondre à l’appel du roi Léopold III qui invite le peuple à reconstruire son pays, Henry Bauchau fonde en 1940 le Service des Volontaires du Travail Wallon. Ces camps, d’abord apolitiques, vont vite être considérés comme des lieux de collaboration avec l’ennemi, ce qu’ils deviendront effectivement quand Léon Degrelle, de retour d’Allemagne, les reprendra à son compte. A ce moment-là, Henry Bauchau et ses hommes démissionnent et font le choix de rentrer chez eux ou de rejoindre les rangs de l’Armée secrète, Degrelle et ses hommes trouveront à leur arrivée des camps désertés.

Si la guerre est omniprésente dans ces deux récits, il est aussi question de la vie intime de l’auteur : son mariage difficile et d’abord caché avec Mary durant ses études puis la naissance de leurs trois enfants, sa rencontre avec Laure (sa seconde femme) et l’écriture, la naissance d’un écrivain. L’auteur ne se dépeint pas comme un héros : il évoque ses doutes et ses erreurs personnelles, ses multiples tentatives professionnelles infructueuses qui le montrent comme un homme qui a dû repartir de zéro à plusieurs reprises, après la guerre mais aussi suite à son investissement dans le métier d’éditeur, la création d’une pension de jeunes filles en Suisse à la demande de Mary (qui n’acceptera le divorce qu’à cette condition), la ruine de cette entreprise poursuivie avec Laure qui les mènera tous les deux à une faillite. Henry Bauchau évoque sa dépression et ses cures psychanalytiques qui le mèneront sur une nouvelle voie professionnelle, celle de thérapeute, qu’il exercera jusqu’à tard dans sa vie. Conjointement, Henry Bauchau poursuivra ses tentatives d’écriture et réussira à produire une première pièce, Gengis Khan qui sera mise en scène par Ariane Mnouchkine en 1961, marquant le début de sa carrière d’écrivain.

Si la mort n’a pas permis à Henry Bauchau de parachever autant qu’il l’aurait souhaité l’ensemble de ces deux tomes qui restent perfectibles -le lecteur notera de nombreuses redites au fil des pages-, l’oralité qui se dégage du texte montre l’urgence de la parole avant le dernier souffle.

Aux lecteurs qui ne connaissent pas Henry Bauchau, je conseille de découvrir d’abord ces deux premiers volumes qui offrent une vue d’ensemble de l’oeuvre de l’auteur puisque certains thèmes se retrouvent dans différents récits et varient, s’entrecroisent au fil du temps, de la pensée, de l’existence (à l’instar du récit Le Boulevard périphérique paru en 2008, qui donne à voir les méandres de la pensée d’un narrateur touché par les ombres de la mort faisant écho à un ami mort durant la guerre).

Enfin, ces deux volumes donnent à réfléchir sur notre tentation à porter des jugements binaires, hâtifs, injustifiés. Aussi, la vie d’un homme de plus de 90 ans ainsi exposée au seuil de sa mort offre pour chacun d’entre nous un aspect vertigineux et pose souvent la question de la vie comme une tragédie par son rapport au destin et au sacré, à la fragilité de l’existence, aux rencontres, à nos choix et à leurs conséquences.

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