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Yzabel-Desage-critiques-et-points-de-vue-de-lectures.over-blog.com

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Ce blog a pour but de partager mes critiques, avis et points de vue de lectures : romans contemporains et classiques, autobiographies et faits divers, théâtre, poésie, essais psychanalytiques, sociologiques, éducatifs, romans graphiques et BD, littérature jeunesse.


Mon Petit, Nadège Erika, éditions LA Livres Agités, 2023

Publié par Isabelle Desage sur 6 Août 2023, 17:45pm

Catégories : #Roman contemporain, #roman social, #deuil, #Babelio

Mon Petit, Nadège Erika, éditions LA Livres Agités, 2023

Je remercie Babelio qui m’a confié la lecture et la critique de ce livre.
Si je l’ai choisi parmi d’autres romans c’est à cause de Belleville. Belleville, tout comme Ménilmontant dont il est question dans ce récit étaient des quartiers très populaires, en partie réhabilités aujourd’hui. Dans les années 1970, je rendais visite à mes grands-parents qui vivaient dans un petit logement de la rue Lesage et qui avaient le sentiment d’appartenir à un village. C’était l’époque des petits commerces où les gens se croisent, se reconnaissent. Loin d’une image d’Epinal, ces quartiers étaient aussi limitrophes de la zone, ces terrains vagues entre Paris et la banlieue, lieux de rendez-vous du banditisme. Belleville et Ménilmontant c’est aussi pour moi deux auteurs qui racontent, à l’instar de Nadège Erika et sans aucune complaisance, la misère, la débrouille, le déterminisme et l’exclusion sociale : Romain Gary et La Vie devant soi, Nan Aurousseau avec son Quartier Charogne.
Alors que certaines personnes répètent à l’envi que « quand on veut on peut » les deux romans autobiographiques que je cite, comme Mon Petit, montrent des gens qui, malgré tous leurs efforts, ne parviendront jamais à se sortir d’une spirale néfaste. Quand on naît dans une famille de parents non diplômés et qui n'ont ni pas d’argent pour sortir leurs enfants au cinéma ou au théâtre ou qui n'ont tout simplement pas la présence d'esprit de le faire, qui pensent que les musées, les expositions ou les bibliothèques ne sont pas faits pour eux, l’éducation intellectuelle de l’enfant va être très limitée. Si, par chance, il s’en sort dans son travail scolaire,  ses choix d’études seront restreints. Travaillant avec des jeunes, je vois beaucoup d’élèves de lycée choisir leurs études en fonction du niveau social et professionnel de leurs parents, de leur lieu d’habitation. Comme dans Mon Petit, la plupart ont aussi un besoin urgent de travailler pour aider leur famille. En général, ces jeunes choisissent un BTS et les filières proposées dans leur ancien lycée ou au plus près de chez eux car ils n’ont pas les moyens de se payer la location d’une chambre et des transports. Ainsi, ils embrassent les formations déterminées par leur région, en fonction du bassin d’emplois inhérents. Il est donc très difficile de sortir de ce cercle. A côté de cela, j’ai des amis qui payent des appartements à leurs enfants, qui cherchent avec eux la formation qui les intéressent le plus, en France ou à l’étranger et payent tout cela pour eux, sans parler des stages de langue à l’étranger et autres vacances culturelles. Dans certaines familles, il y a celles et ceux qui font des études et les autres, qui apprennent un métier et si c’était à 50 % le cas dans les années 80 avec des formations au niveau CAP ou BEP, aujourd’hui cette injustice se retrouve au niveau d’un diplôme sans réelle valeur, le baccalauréat. Cette impossibilité de choix, la narratrice en fait le point de départ de son roman : en fin de troisième, elle quitte le collège pour pouvoir travailler car les enfants de cette fratrie se retrouvent éduqués à la fois par la grand-mère et par la mère, ballottés dans deux logements sociaux où l’on compte sa menue monnaie pour manger. Et comme sa mère, la narratrice deviendra mère très jeune et vivra, après son mariage, en logement social ne partant jamais en vacances.
L’injustice sociale est aussi liée aux soins médicaux et la déconsidération de certains médecins pour les pauvres. Et à cause de l’un d’eux, la narratrice perd un enfant. Le roman évoque dans la deuxième partie, le tragique d’une destinée, par la mort et le chemin du deuil. Sans pathos et avec lucidité, ce roman rappelle que la misère n’appartient pas qu’aux banlieues et qu’elle est partout, parfois invisible et silencieuse et qu’elle finit par tuer tout espoir de progrès. 
Ce roman est construit comme une tragédie en cinq actes : I – Lieu familial et environnement, cadre II – la rencontre amoureuse III – Amour et vie commune IV – délitement de la vie de couple V – Deuil.
Je recommande chaleureusement ce récit qui nous rappelle ou nous apprend, pour ceux qui n’en ont pas conscience, combien il est difficile de s’extraire de son milieu social défavorisé pour accéder à une liberté de penser, une liberté de choisir et surtout, d'acquérir le sentiment de légitimé, celui de ses actions et de sa place dans la société.

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