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Yzabel-Desage-critiques-et-points-de-vue-de-lectures.over-blog.com

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Ce blog a pour but de partager mes critiques, avis et points de vue de lectures : romans contemporains et classiques, autobiographies et faits divers, théâtre, poésie, essais psychanalytiques, sociologiques, éducatifs, romans graphiques et BD, littérature jeunesse.


Thérèse et Isabelle (1954) et L’Affamée (1948) Violette Leduc, éditions Gallimard et Folio.

Publié par Isabelle Desage sur 16 Octobre 2023, 09:41am

Catégories : #Folio, #gallimard, #Violette leduc, #féminisme, #roman français, #amour, #passion, #écriture, #autobiographie, #récit autobiographique

Thérèse et Isabelle (1954) et L’Affamée (1948) Violette Leduc, éditions Gallimard et Folio.
Thérèse et Isabelle (1954) et L’Affamée (1948) Violette Leduc, éditions Gallimard et Folio.

Thérèse et Isabelle (1954) et L’Affamée (1948) Violette Leduc

Je choisis de regrouper ces deux récits dans une même critique car, même s’ils sont séparés de plusieurs années et évoquent deux périodes différentes de la vie de l’auteur, ceux-ci sont une ode à l’amour, l’amour que Violette considère comme une « grâce ». En cela, les deux récits rappellent le fameux poème de Louise Labbé : « je me brûle et me noie » dans toute sa puissance passionnelle incandescente et son idéal fabuleux et dévastateur. La soif d’amour et de possession de l’auteur (comme en parle Simone de Beauvoir dans la préface de La Bâtarde paru en 1966) sont inextinguibles et ne peuvent s’épancher que dans l’écriture. Ainsi, Simone conseillera à Violette de se mettre sérieusement au travail, d’organiser ses obsessions, de leur donner une forme, de les sublimer.

Le court récit, Thérèse et Isabelle est construit comme une longue poésie en prose, à la fois lyrique et épique car constitué de cinq moments clés, telle une tragédie. La destinée et le tragique sont présents sous la forme de la rencontre amoureuse de deux jeunes filles dans un pensionnat et de l’ombre inquiétante de la mère qui peut à tout moment décider du destin de sa fille. Ainsi, le lieu unique et fermé correspond à la scène de l’amour tandis que le dehors est celui où rôde le danger. Au fil des pages, le lecteur voit se dessiner le jeu de séduction d’Isabelle vers Thérèse qui la rejette, dans un premier temps. Vient ensuite le temps de l’amour et le désir, l’acte amoureux, l’inquiétude de Thérèse en proie à ses démons : la peur de l’abandon et le désir de possession de l’être aimée et enfin, la perte de l’être cher, la séparation à jamais décidée par la mère, tel un couperet.

Le roman L’Affamée est le chant d’amour d’une femme pour une autre qui ne s’intéresse à elle qu’amicalement et intellectuellement et qui va devenir une sorte d’idole, une muse, en tout cas un exemple qui lui permettra de mener à bien ses projets d’écriture. La passion que « Madame » (nous savons qu’il s’agit de Simone de Beauvoir) a déclenchée est dénommée « l’événement » dans le récit. Si ce sentiment puissant va être couché sur le papier, il sera aussi dévastateur car il renvoie l’auteur, tout au long du roman, à sa laideur, ou du moins ce qu’elle croit être abominable chez elle, son visage : « J’ai vu des abats-jour invendables. On les avait alignés sur le rayon d’une arrière-boutique. On ne les avait pas serrés les uns contre les autres. Leur laideur ne se froissait pas. Mon visage est un abat-jour invendable, mais je n’ai pas d’arrière boutique pour le dissimuler... ».

Ce récit autobiographique est composé d’un enchaînement de paragraphes dépeignant une lutte incessante de pensées essentiellement en proie aux tourments passionnels. Au fil du récit, les marqueurs temporels font leur apparition, à la façon d’un journal de bord, celui de la conquête de l’objet du désir, guetté, suivi, attendu dans des lieux précis. Le titre L’Affamée correspond tout à fait aux besoins d’amour de l’auteur qui se positionne presque comme un ogre, toujours aux aguets pour saisir un geste, un regard, la voix ou un objet saisie par l’être désirée. Ce récit oscille entre réalisme et onirisme, emportant le lecteur dans des fantasmes poétisés et lyriques. L’écriture est d’une grande beauté mais parfois, le lecteur peut se perdre dans les méandres d’une pensée très imagée qui finit par s’isoler et qui l’éloigne, le refoule même parfois, par une systématisation rythmique du récit des événements et de leur appréhension. Toutefois, la récurrence des allers et venues entre raison et passion montre toute la fureur (au sens classique du terme) de l’auteur qui lui fait perdre le bon sens ou encore le désir de vivre, de se laver, de se nourrir, ravivant des blessures d’enfance gravées à jamais qui ne pourront trouver l’apaisement ou du moins une forme d’acceptation que par l’écriture : « Quitté les cris de la rue de Reuilly, acheté du papier à cigarettes, une plume rouillée à cinquante centimes, un cahier. Couru follement jusqu’à mon réduit, tombée sur mon lit. Un assassin qui n’a plus rien à faire. »

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